Grace n’était qu’un pion de sa propre vie, un mouton qui suivait ce que son addiction lui disait de faire. C’est comme si elle n’arrivait plus à réfléchir autrement qu’en se laissant guider par le manque de substances dans son sang. Le motel à côté de son lieu de travail pour le weekend avait connu bien de ses frasques et elle devait avouer qu’elle ne s’en souvenait pas beaucoup. De ce qu’elle faisait de son corps, elle n’en avait que les stigmates le lendemain matin ou la douleur qui persistait parfois pendant quelques jours. Elle n’était pas fière de ses agissements mais, elle ne voulait pas se ruiner et surtout, elle ne voulait pas que sa patronne se doute de quoique ce soit. Ici, elle s’appelait Sally et elle ne faisait le chaud que deux soirs par semaine. Le samedi et le dimanche. D’ailleurs, elle avait des clients réguliers qui ne venaient que pour elle. Pas forcément pour ses petits extras mais plutôt pour admirer son « talent » se dandiner sur scène. Alors, quand elle avait vu cet homme l’attendre à la sortie du show, devant le cabaret, elle avait paniqué. Après tout, il n’était pas le premier à l’attendre et à lui demander des faveurs, essayant de l’obliger lorsqu’un énième non claquait dans l’air de l’extérieur. Elle avait d’ailleurs pris des cours de self-défense à force de devoir repousser les gros lourds. Alors oui, elle se prostituait. Oui, elle acceptait de faire des faveurs plus que dégradantes à des hommes. Mais non, elle ne le faisait pas avec n’importe qui.  C’est comme ça qu’elle refila à l’autre guignol un beau nez rouge pour quelques temps. Pourtant, il avait un air familier. Elle l’avait l’impression qu’elle l’avait déjà croisé quelque part. Peut-être qu’elle l’avait déjà éconduit et qu’il retentait sa chance. Ce ne serait qu’un homme de plus à le faire.

Elle sortit du cabaret bien après les autres filles. Elle n’a jamais réellement aimé sortir avec elles après les shows et elle ne partageait pas vraiment la même mentalité bien qu’elles les apprécient toutes. Et puis, elle voulait éviter que ses collègues ne la voient complètement défoncée. Sauf que ce soir, elle n’en avait plus et elle se demandait comment elle allait s’en procurer rapidement. Son dealer habituel s’étant fait coffrer, elle ne savait pas vraiment vers qui se tourner. Elle vit l’homme de la veille en face d’elle et soupira avant d’essayer de l’éviter. Mais ce fut bien vint. Grace ? Grace Henessy ? Je suis venu hier soir mais je n'ai pas eu le temps de... enfin de faire quoi que ce soit. Je suis Gadreel... Gadreel Oswald ? Elle tiqua d’abord à l’idée que cet homme connaissait son nom. Si en plus, elle devait se méfier de se faire harceler, elle n’allait plus pouvoir vivre. Ce n’est que lorsqu’elle entendit le nom. Son nom. Qu’elle comprit son erreur. Il s’approcha d’elle et elle vit sa grossière erreur. Gadreel avait été son ami d’enfance. Son ami de toujours. Et puis, il était parti sans donner signe de vie et elle avait essayé de l’oublier, pensant ne jamais le revoir. Je ne pensais pas que tu avais un coup de poing aussi magistrale. Elle rit face à sa réplique avant de s’approcher de lui et de le regarder de plus près. Elle avait l’impression d’être retournée des années en arrière. Il n’avait pas vraiment changé physiquement. « Bon sang, comment j’ai fait pour ne pas reconnaître ton manque de tact légendaire, Oswald… » Elle le prit dans ses bras, dans une accolade amicale avant de se séparer de lui et de se remettre en face afin de pouvoir mieux discuter. Après tout, ils avaient du temps à rattraper. « Ca va aller ton nez ? Si tu veux, il y a de la glace au cabaret. Je peux aller t’en chercher une poche… ou deux ? »