« Salut Jul', c'est moi, Robyn. Tu dois te demander pourquoi je t'appelle alors que je suis censée te retrouver au café dans cinq..non quatre minutes. Tu es déjà assis, je te vois et si tu ne décroche pas ton téléphone au moment où je parle c'est parce que tu as du le mettre en silencieux comme à chaque fois qu'on se voit. Enfin bref...Je ne viendrais pas Jul'. Ni aujourd'hui, ni un autre jour. Je quitte Paris aujourd'hui, juste après cet appel à vrai dire. J'aurais voulu te le dire en face mais tu aurais tout fais pour me retenir, et j'aurais capitulé. Comme à chaque fois. Mais je ne peux pas rester, pas comme ça. Je ne peux plus Jul'. Je quitte la ville et je quitte ta vie. Il vaut mieux qu'on ne se revoit plus. Tu as ta vie ici, tu as tant de choses à vivre et je n'y ai pas ma place. J'imagine déjà ta réaction. Tu vas te précipiter chez moi, tambouriner à ma porte mais ça sera déjà trop tard. Économise ton temps et oublis moi. Je te le demande Jul', oublis moi. Ne cherche pas à me retrouver, c'est mieux ainsi. Tu vas me manquer Julian. » soufflais-je avant de raccrocher. Je ne retenais pas mes larmes, à quoi bon. Je fixais la scène de l'autre côté du trottoir, des gens en train de boire un café, en train de parler et lui, en train de consulter la carte. C'était une habitude, parce qu'il commandait toujours la même chose. Un chocolat viennois. Il bougea, chercha quelque chose dans son manteau. Son téléphone. Mon coeur s’accélèra alors que je le vis coller l'appareil à son oreille. Je devrais quitter les lieux mais quelque chose me pousse à rester là, à voir sa réaction. Son visage se figea et en un quart de seconde, je le vis se lever et prendre son manteau. Je savais déjà où il allait. « Mademoiselle...Je veux pas vous déranger mais le compteur tourne. » Je reniflais et regardais le chauffeur dans le rétroviseur. « Oh pardon.. C'est bon, vous pouvez y aller. » Il enclencha le moteur « Toujours l’aéroport Charles de Gaulle ?  » Je me passais la main sur le visage, essuyant mes larmes. « Toujours. Je quitte Paris pour de bon.»

Quelques dizaines de minutes de taxi, une heure et vingt minutes d'avion et je posais enfin le pied sur le tarmac de l’aéroport. Je traînais mes valises derrière moi, mais c'est mon coeur que j'avais le plus de mal à transporter. Mon visage bouffi trahissais les larmes que j'avais versé dans l'avion et quand j’aperçus enfin le visage familier de ma sœur, je reniflais et tentais de sourire. « Robyn ! » cria-t-elle avant de venir me prendre dans ses bras. Pendant les secondes cet échange, je soupirais, me vidant de toute pression. « Tu m'as tellement manqué frangine ! » « Toi aussi. » Elle prit une de mes valises avant de nous diriger vers sa voiture. Nous étions en août, il faisait bon à Londres mais plus humide qu'à Paris. « Je ne pensais pas que tu reviendrais. À t'entendre, Paris semblait être la meilleure ville du monde. » Je me forçais à sourire, cherchant à être convaincante « C'était une belle ville, mais j'ai besoin de bouger et je suis sur que je peux trouver un emploi ici.» C'était une des raisons de mon départ, mais pas l'unique.
Le trajet de l’aéroport à son appartement, à notre appartement, fut silencieux. Je n'avais pas très envie de parler et ma sœur l'avait comprit. Malgré nos années de différences, nous avions toujours été capables de se comprendre. Le matin même j'étais encore à Paris, à le regarder quitter ma vie. « Robyn, ça va ?» Sa voix me tira de mes pensées. Nous étions en bas de son immeuble sans que je ne m'en sois aperçu. « Oui oui, c'est le décalage. » Ma sœur arqua un sourcil. « Il n'y a qu'une heure de décalage. » dit-elle avant de sortir, et de venir m'ouvrir. « Je sais qu'il y a autre chose qui te tracasse. Mais je ne vais pas te forcer à m'en parler maintenant. » « Je.. » « Je veux juste que tu ailles bien.» « Merci. »


« Diplômée du A-Level avec un très bon score, diplômée des trois cycles de l'École du Louvre avec les félicitations à votre thèse sur l'évolution du marché de l'Art en Europe et à côté de cela, des stages au musée du Louvre et plusieurs langues à votre actif. Je me demande ce que vous venez chercher ici mademoiselle Powell. » Je me redressais légèrement su mon siège, les jambes croisées et les mains sur mon genou. « Un emploi intéressant et aux multiples possibilités. Je préfère être dans un endroit moins… ouvert mais plus proche du public, plutôt que de passer à côté de rencontres exceptionnelles. De plus, Londres me manquait.» confessais-je, en souriant. Il s'assit sur le coin de son bureau, ses yeux bleus me fixant. « Je serais bien bête de ne pas accepter une demoiselle aussi brillante que vous. » « En effet, vous le seriez. » Je n'hésitais pas à me montrer piquante, j'avais bien compris qu'il aimait cela chez les autres. Et si cela pouvait m'aider à me démarquer, autant y aller à fond. « Je dois vous prévenir que travailler avec moi n'est pas une partie de plaisir. Je suis chiant, je le sais, mais j'aime mon boulot. Je veux que tout soit parfait et que cette galerie devienne une des meilleures, voir la seule, de Londres.  » « Et ça sera le cas une fois que j'aurais mis mon nez dans votre affaire. » Il éclata de rire avant de me tendre la main « Alors bienvenue dans l'équipe. » Je me levai et lui serrais la main « Merci mons..» « Appelez moi Andrew. » « Uniquement si vous m'appelez Robyn. Et évitez les blagues sur Batman, on me les a toutes faites. » De nouveau il éclata de rire, et à ce moment là je su que je venais de trouver un emploi de rêve.

Après avoir signé quelques papiers dont mon contrat, je quittais la galerie, le sourire aux lèvres. J'étais revenue habiter à Londres depuis un mois et voilà que j'allais travailler dans une galerie d'art dans le super quartier de West End. Je continuais à me balader dans le quartier, découvrant et redécouvrant la ville qui m'avait vu grandir. Six années loin d'ici et j'avais l'impression de découvrir un tout nouveau monde. Paris était totalement différent de Londres. Et c'est sûrement cette différence qui m'avait attirée à la sortie du lycée. Perdue dans mes souvenirs, je ne sentis pas de suite mon téléphone vibrer dans ma poche. Je m’emparais de l'appareil et décrochais « Allo ? »   « Alors ??» « D'où est-ce que tu m'appelles ? Ton numéro ne s'affiche pas.» « Du boulot mais on s'en fout. Dis moi comment ça s'est passé.» J'esquissais un sourire. Heureusement que je l'avais.   « Tu vas devoir me garder chez toi pendant quelques temps mais je vais pouvoir t'emmener au restau plus souvent, vu que je vais avoir un salaire !» «NOOOOOOOOON ! Oh putain, je suis trop contente pour toi Robyn ! Tu le mérites, et ce gars a bien de la chance de t'avoir.» « Il pensera peut-être différemment quand il m'aura vu ranger les dossiers par ordre alphabétique.» Ma sœur éclata de rire   « C'est peut-être ton perfectionnisme qui va faire de cette galerie l'endroit hype de la ville.»   «J'ai bien l'intention que ça le devienne.» « Je vais devoir raccrocher mais ce soir on sort fêter cela.» « Faisons un peu flamber l'argent que je n'ai pas encore.» « Ouais, mais bientôt frangine.» Je raccrochais, réalisant que j'allais commencer une nouvelle vie, que je devais le faire même si cela voulait dire tourner la page.

* texte italique = texte français

Paris. Sa cuisine, sa langue, sa semaine de la mode, sa culture. Je venais de passer l'été à découvrir la capitale française, à errer dans les rues pavées et me gaver de pâtisserie. Aujourd'hui c'était mon premier vrai jour de cours. Excitée était un faible mot pour décrire l'état dans lequel je me trouvais. Mes yeux se posaient partout, mémorisant chaque détail de ce que j'étais en train de vivre. Dans le hall de ce qui allait être mon école pendant les années à venir. De ce que j'entendais autour de moi, je devais être une des rares anglaises à y être inscrite. Je suivais la foule, espérant que je me trouve dans le bon cours. Une grande salle, lumineuse, des chevalets disposés en cercle et des planches avec des feuilles épinglées dessus. Au milieu des chevalets, une sorte de scène. « Bienvenue à vous, chers nouveaux élèves.» Un homme traversa le groupe d'étudiants que nous formions, se plaçant face à nous, le sourire aux lèvres. Les cheveux grisonnant, sans le connaître, il m'inspirait confiance. « Je sais que vous êtes un peu perdu, mais plus vite on s'y met, plus vite vous progresserez. Je suis monsieur Duchêne, mais vous pouvez m'appeler Patrick. Et ici, vous apprendrez la représentation du corps, les proportions humaines. Mais prenez place.» Ayant vaguement compris de quoi il parlait, j'imitais les autres et allais m’asseoir derrière un chevalet, près d'une jeune fille qui me semblait sympas. J'étais concentrée sur le français que je peinais à comprendre au lieu d'écouter ce que le professeur disait. « … et nous allons commencé aujourd'hui, avec un modèle vivant. Ne soyez pas impressionnés, il va être nu. Julian, tu peux venir.» Les autres élèves se mirent à chuchoter et c'est ce qui me fit tourner vers ma camarde. « Monsieur dit quoi ?» La jeune fille se mit à rire doucement et pointa derrière mon chevaler du bout de son crayon. Je me penchais légèrement sur le côté, et je me figeais. Je voyais un jeune homme de dos, cheveux noirs, épaules larges et vêtu d'une sorte de peignoir. Peignoir qu'il ouvrit avant de le laisser tomber au sol révélant son corps... « Nu. Un cours de dessin de nu.» souffla-t-elle avant d'ajouter « Naked.» Je refermais ma bouche, sentant le rouge me monter aux joues. Le modèle monta sur la scène avant de s'installer à plat ventre, la visage dans ma direction. Tout le long de sa manœuvre, j'avais volontairement détourner le regard de son.. voilà. J'avais déjà dessiné d'après modèle mais jamais nu. C'était assez gênant et je n'imaginais pas être à sa place. Cachée derrière le chevalet, je n'osais pas bouger mais je serais bien obligé si je voulais dessiner. J'inspirais et me penchais juste assez pour voir le haut du corps. Les bras croisés, le menton appuyé dessus, le modèle avait le visage orienté vers moi. Ses yeux noisettes accrochèrent les miens, il m'offrit un sourire en coin et pendant les heures qui suivirent j'oubliais complètement que je dessinais un homme complètement nu.


« Tu t'améliores vraiment.» souffla-t-il alors qu'il feuilletait mon dernier carnet. « En trois ans, t'as gagné une maturité incroyable. J'ai rarement vu cela chez quelqu'un d'aussi jeune.» Je rougissais à chacun de ses compliments. Vnant de lui c'était la plus belle des récompenses. « Dans ta bouche, on dirait que je suis un bébé.» Il rit doucement avant de fermer mon carnet et de me le tendre. « Excuse moi, mais à mes yeux tu restes la jeune fille rougissante à son premier cours de nu.» Je feignais d'être vexée. Je me souvenais de ce jour comme ci c'était hier. Et lui aussi apparemment. « En même temps, t'étais le premier gars poil que je voyais Julian .»Pendant ces trois dernières années, ma timidité s'était légèrement effacée et j'avais réussi à l'approcher. Des camarades de classe m'avait dit qu'en plus d'être modèle, il était un artiste complet. Et j'avais voulu en savoir plus. De fil en aiguille, il était devenu un ami, un ami à qui je montrais mes travaux pour avoir un regard critique. Ah, et il m'aidait pas mal en français aussi. « À poil. Faut vraiment que je t'apprenne le vrai français.» « Le vrai français ? Comme merde, poutain et chier ?» « Tu n'as plus qu'à conduire et tu seras une vraie parisienne.» Je lui souriais en rangeant mon carnet dans mon sac. Assis dans le starbuck non loin de l'école, je savourais ces moments rien qu'à nous. J'avais développé un coup de cœur pour ce français au regard hypnotisant. « C'est une ville de fous. Je veux pas conduire ici.» « C'est Paris.»


Six ans que j'étais « parisienne ». Six années de travail, de passion, de rencontres. Je n'étais que peu de fois rentré chez moi, préférant parcourir la France et quelques pays d'Europe pendant les vacances. Ce soir c'était le réveillon du nouvel an. Si les premiers temps je rentrais chez moi à cette période, depuis l'année dernière je restais sur Paris pour voir la capitale s'illuminer de toute part, et ce soir ne ferait pas exception. Julian m'avait proposé de le rejoindre au Champs de Mars pour voir la dame de fer s'illuminer avant de retrouver une bande d'amis.  Je ne savais pas comment considérer notre relation. Julian c'était… Julian. C'était le modèle qui m'avait sourit à mon premier cours, c'était l'artiste qui avait su me faire progresser, c'était l'ami qui m'avait aider à m'intégrer et c'était le garçon pour qui je craquais depuis plus de trois ans maintenant sans n'avoir rien tenter. Alors c'était l'occasion de voir si il pouvait se passer quelque chose et faire en sorte que cela arrive serait ma première résolution. J'étais en train d'appliquer une énième couche de rouge à lèvre de couleur bordeaux lorsque mon téléphone vibra. Julian. Automatiquement mes lèvres s'étirèrent en un sourire alors que j'ouvrais le message. Il partait de chez lui. Je lui indiquais la même chose. Je rangeais mon maquillage, fixais une boucle rebelle et me parais de mon manteau, écharpe et béret. J'avais bien sur prévu une jolie robe mais si nous restions dehors par ce temps, j'allais attraper froid. Le cœur battant je quittais l'appartement en direction du métro. Mon téléphone vibra dans mon manteau.« Allo ?»[/color] « Bonne année frangine !»« Il n'est pas encore minuit tu sais.» « Je sais mais d'ici quelques heures je ne serais plus en état de t'appeler. Anyway, tu fais quoi ce soir ?» « Ne bois pas trop hein. Je suis dans le métro, je rejoins des amis près de la tour Eiffel.» « C'est le nouvel an, il faut commencer l'année en beauté ! Passe une bonne soirée baby girl.» « Toi aussi. Je t'appelle ce weekend.» J'arrivais rapidement au lieu de rendez-vous, marchant rapidement pour me réchauffer. Je distinguais sa silhouette, emmitouflé dans son manteau et les mains dans les poches. Arrivant dans son dos, je lui pinçais les hanches à défaut de mettre mes mains sur ses yeux puisqu'il était trop grand. La foule nous entourrant m'indiqua que le spectacle allait bientôt commencer. « Hey.» Son sourire eu pour résultat de me faire rougir, mais je comptais sur la température extérieure pour cacher cela. « Tu arrives à temps.» « Toujours pile à l'heure.» dis-je ne me plaçant à côté de lui. « Où sont les autres ?» « Nous les rejoignons après. Je voulais te montrer les illuminations.» « Oh.. D'accord.»  Il voulait être seul avec moi. Le soir du nouvel an. Je n'arrivais pas à le cerner. Il avait instauré un jeu de flirt entre nous sans pour autant faire un réel pas. Peut-être que j'imaginais tout cela. Les gens s'approchèrent, formant des petits groupes ici et là pour attendre le début des festivités. Je restais silencieuse, anxieuse quant à l'instant que nous vivions. Les minutes passèrent et un décompte se fit entendre. Les lumières s'allumèrent petit à petit à mesure que l'excitation de la foule augmentait. À minuit pile, la tour Eiffel explosa de lumière devant nous. Du coin de l’œil je vis Julian se tourner vers moi, geste que j'imitais aussitôt. Il souriait. « Bonne année Robyn.» « Bonne année Julian.» Il prit ma main et se pencha légèrement vers moi « Je vais réaliser ma première résolution si ça ne te gène pas.» J'haussais les sourcils, cherchant à comprendre de quoi il parlait mais ma réponse arriva lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes. Le monde s'arrêta autour de nous. Il lâcha mes lèvres, restant tout proche « J'ai eu envie de faire ça la première fois que je t'ai vu.» Je plongeais dans ses yeux noisettes, respirant profondément. « Six ans c'ets bien trop long à attendre.» « Pourquoi maintenant ?» Sa main qui tenait la mienne se posa sur ma hanche, m'attirant contre lui. « J'en avais marre d'attendre. » Je bougeais lentement, posant mes mains à plat sur son torse. « Ça tombe bien, ça fait six ans que j’attends aussi.» Et ce fut à mon tour de l'embrasser.
UC