Tu nous entends le blizzard ? Tu nous entends ? Si tu nous entends...
― FAUVE
Le propre de l'être humain est de mentir à la perfection. Ne le niez pas, nous avons tous déjà menti. Pas pour les mêmes motifs, pas avec la même gravité, ni les mêmes enjeux mais chacun d'entre nous a déjà commis ce pêché, même si pour certains celà remonte à la dernière fois qu'ils ont dit à leur chère maman qu'il n'avait pas mangé de chocolat alors que leur bouche disait le contraire.
J'ai vu le jour dans une famille plutot aisée de la banlieue londonienne, quelques minutes seulement avant Aaron, mon frère jumeau. Nos parents nous ont toujours aimé de la même façon, ne faisant aucune différence entre leurs petits bouts.
Du moins c'était ce que je croyais. Très vite nos parents ont pensé à avoir un autre enfant; comme quoi nous n'étions pas si insupportables que ça pour des jumeaux. Problème dont nous n'avions pas conscience à l'époque : notre mère avait eu énormément de mal à nous avoir et renouveler l'exploit fut plus compliqué que prévu. C'est ainsi que la petite Kim, tout droit débarquée du Cambodge, arriva pour compléter la tribu. Trois enfants, trois gueules d'ange, trois petites boules d'énergie courant dans le salon : il n'en fallait pas plus pour faire de la vie des Blackwell un compte de fée.
Tu parles d'un compte de fée. Et puis quoi encore ? Les bisounours ? C'est ainsi que se poursuivit notre enfance, sans encombre assez importante pour vous le spécifiez ici. Alors oui, Aaron a toujours été plu discipliné que moi, plus intéressé par l'école là où je préférais les dessins, rendant plus fiers nos parents là où je leur ramenais des mots de mes profs qui me qualifiaient de dissipé ou turbulent. Mais comme vous le voyez, rien de bien méchant.
Pas encore.On sous-estime souvent le pouvoir d'une journée, l'ampleur de vingt-quatre heures, l'importance de chacune des quatre-vingt six mille quatre cents secondes qui compose une journée ( ne vérifiez pas, j'ai fait le calcul trois fois pour être sûre... ). C'est ce que j'ai réalisé ce fameux jour de Février 2005, ce fameux jour qui a changé ma vie, ma vision de la vie, ma vision du monde autour, et des personnes en qui j'avais une confiance aveugle. Ce jour où j'ai pris dans la tête une dose de maturité que certains n'assimileront jamais. Une maturité qui s'appelle le vécu et qui ne s'apprend pas sur les bancs de la fac.
N'est-ce pas Aaron ? J'ai ouvert les yeux bien plus grand que ce que mes parents m'avaient permis jusqu'à ce jour et tout ça à cause d'une analyse de sang.
Tu m'étonnes, ça les arrangeait bien que je garde les yeux à moitié fermés. Elias. C'est ainsi que vous allez m'appeler maintenant. Elias. Prénom qui n'est que le second sur ma carte d'identité mais prénom qui me colle beaucoup plus à la peau et à l'esprit qu'Angel. Angel, c'était l'enfant innocent, respirant la vie, heureux de tout et extraverti. Angel, c'était le jumeau, le fils à ses parents, celui qu'on m'avait dit d'être, celui qu'on voulait que je devienne. Mais ce n'est pas moi. Je ne suis pas Angel. Je suis Elias et vous n'avez absolument plus le choix, qui que vous soyez.
Les scientifiques vous diront qu'on ne naît qu'une fois et ils auront sûrement raison dans la plupart des cas mais je peux vous assurer que c'est une renaissance que j'ai vécu à douze ans, une renaissance qui a strictement tout changé dans ma vie. Qu'est-elle devenue ma vie ? Qu'est-elle actuellement ? Une vie de conflit et de découverte. Conflit face à a société, face à la famille, face aux règles instaurées par les beaux penseurs qui n'ont jamais eu la brillante idée d'ouvrir réellement les yeux, tel un gamin de douze ans. Découverte du monde, de ses plaisirs, de ses vices, de son étendue et de ses limites. Je n'ai jamais eu mon diplôme de fin d'études, je n'ai jamais prévu d'aller à la fac, je n'ai jamais eu de perspective d'avenir menant plus loin que le lendemain matin. Vous avez une question ? Sur la vie ? Comment vous 'entendez ? Avec des connaissances cartésiennes ou avec du vécu ? Parce que pour la première je vous enverrais surement voir mon frangin,
enfin "frangin", et pour la seconde, je pense avoir pas mal de choses à vous dire.
Point positif ? On pourra en parler autour d'une bouteille, de deux bouteilles, ou de quelconques substances à ingérées de quelconque manière que ce soit. Plus agréable non ? Où me trouver ? La journée devant l'objectif d'un photographe, la nuit derrière mes platines dans une boite branchée de la capitale, vivant toujours pleinement ma vie et mes envies, ne me souciant plus depuis bien longtemps de l'avis que chacun pourrait porter.