Ravel, d’un talent qu’il ne possède pas, des doigts qui courent sur le piano, reproduisent les mélodies, capable des morceaux les plus complexes, mais c’est faux. « Invente. Essaye de créer quelque chose, ce n’est pas compliqué, tu connais les notes » Non. Les notes, leur nom ne sont pas connus, ce sont des sons, une banque de données. Il n’existe pas uniquement les symphonies et autres concerto pour piano, mais le son d’un verre qui se brise, des feuilles balayées par le vent, d’un bois qui grince sous le poids d’un homme, tout cela, il sait le reproduire, le réarranger. Ce n’est pas étonnant, c’est juste rare. L’enfance, c’est une succession de concerts et après, le triomphe, l’entrée dans le plus grand orchestre, Concertgebouw. Ce n’est pas suffisant. La musique est sa prière, mais la muse n’existe pas, ni même Calista qu’il rencontre. Une femme qu’il aime, mais après ? Une femme. Il n’observe que les autres, ses doubles, les hommes, depuis l’enfance c’est eux qu’il veut. Et ça, « c’est mal, tu n’as pas le droit Ravel » les paroles effrayées d’une mère catholique.


C’est une façade, d’une richesse qu’il déploie, montre, des mots hurlés en silence : observez notre bonheur. Que du vent. La maison abrite les cris, tait les coups. Des années avec Calista, musicienne qu’il a dérobé, elle qu’il a aimé - pas suffisant. Traitrise de l’amour. Le son du piano résonne, cache tout autre bruit, et surtout les pas qui avancent dans la salle de musique, du serpent qui se glisse lentement jusqu’à son oreille. « Ravel » Les notes se taisent mais il n’a pas le temps de pivoter, canon pointé sur la tempe, mort annoncée, et le compte à rebours s’enclenche. « Tu mérites de mourir, tu le sais ? Depuis combien de temps ? Est-ce que tu as seulement connu la définition de la fidélité ? » L’arme ne tremble pas, assurée. Il ne s’est pas marié à une princesse, mais bien au bandit d’une famille espagnole. Le coeur se fond dans la cage thoracique, d’une peur en devenir, qui s’accentue. Fidélité. Le mots sont inlassablement répété. Elle sait. Peut-être qu’elle a toujours su. « Tu ne peux pas comprendre » Mauvais choix. Le déclic de la sécurité, de la balle prête à transpercer son crâne. Il imagine sa mort, se demande sur quelle échelle il pourra jauger la douleur. Combien de temps avant la mort ? Une seconde de conscience ? La décapitation est moins douloureuse a t-il déjà entendu. Les pensées sont hasardeuses, là, au seuil de la mort. Un cadavre contre l’infidélité, ce n’est pas équitable, pas du tout. « Explique-moi, j’ai tout mon temps. J’aurais compris tu sais, que tu ailles voir d’autres femmes, peut-être que j’aurais compris, mais des hommes! T’es malade, tu le sais ? » Le corps ne bouge pas, incapable d’un mouvement d’une fuite, ou même de défense. Les paroles sont subies. Malade, fou, dégénéré, corps à lancer aux chiens. Il sait tout ça, les mots qu’elle lui crache, pas des insultes, la stricte vérité. Les hommes. Les mots peinent à se frayer un chemin, il n’a pas d’excuse, ne sait pas pourquoi. La balle éclate dans la paume droite, fait jaillir le talent, détruit tout possibilité de retoucher un piano. Pas de hurlement, juste une flopée d’insultes, et la peur, le terrible danger de la perte. « La prochaine fois, je viserai le coeur » Un mariage qui s’effrite, ne reste plus rien, juste une petite fille pour laquelle il se bat, perd le procès et voilà qu’elle lui revient quelques mois tard – à la mort accidentelle de Calista. Tragédie à laquelle il n’assiste pas, deuil qu’il célèbre par une bouteille de whisky. Ce qui compte maintenant, c’est l’enfant qu’il tient contre lui, Aube qu’il martèle de sa folie, d’une colère qu’il reporte. Des tempêtes, c’est ce qu’il reste de leur relation. Pas un papa, un regard, juste la haine, la volonté de triompher sur l’autre. Quand vas-tu crever lui répète t-elle inlassablement. Bientôt.