Aussi loin que je me souvienne, ou plutôt de ce que l'on me conte, je suis né à Londres, un certain 14 février 1993. Mon père en a certainement fait un communiqué de presse, j'en suis sur. C'est un petit Bobo du haut London, le genre de type qui se ballade avec un pantalon d'équitation à longueur de journée pour montrer qu'il fait de la chasse à cour. Il ne quitte jamais son air grave sur le visage, pour faire comprendre qu'il est aussi important qu'un Lord ou un gouvernemental. Dans le fond c'est presque ça, sauf que lui, s'il venait à décéder des suites d'une piqure de fourmi ou de quelque autre insecte insignifiant qui soit, la Reine n'en n'aurait que faire. En fait, mon père est à la tête de l'empire Satton, un empire difficilement qualifiable, puis qu'il possède énormément de bras : Des vignes en France, des hôtels en Europe, des restaurants à travers le pays, et des actions dans l'aviation et le maritime. J'ai toujours été incapable de désigner clairement le métier de mon père, alors quand on me le demandait à l'école, je disais qu'il ne travaillait pas et que l'argent poussait dans son jardin. Il est tout simplement un homme d'affaire, il manigance, il place, il trahit, et il gagne. Ma mère elle, est avant tout héritière, parce que ses parents possédaient dans l'histoire du pays, énormément de domaines. Elle n'a jamais travaillé, et elle se contente de se montrer à toutes les soirées mondaines du coin, si ce n'est pas elle qui les organise au manoir familiale. Et accessoirement, elle lapide le fric de papa dans les fringues, les manucures, les robes, et les jeux. Et puis moi, je suis là, au milieu de tout ça, la petite tête blonde aux yeux bleus, un peu paumée, et totalement décalée à travers de leur image. Ma mère et mon père, ils sont tout le temps bien habillés, bien rasés, bien coiffés, et moi j'suis débraillé, tatoué, et je geek tellement tard le soir, que j'ai l'air d'un drogué qui a un peu trop consommé et qui s'endort même debout. Ma mère passe son temps à tirer sur mes manches pour cacher les horreurs qui jonchent mes bras, et mon père lui, ne cesse de ne faire les reproches les plus vexantes à l'oreille, pour sourire devant les autres en me tapotant l'épaule comme si nous possédions l'union paternelle la plus soudée qui soit. J'aurais aimé avoir un petit frère ou une petite sœur pour cracher dans le dos et soulager mon estomac qui se transforme en ulcère, mais je n'ai du me contenter que de mon oncle : Fred. De son vrai nom Frederick. Il a treize ans de moins que mon père, et seulement dix-sept de plus que moi, alors avec lui, c'est comme si j'avais un frère aîné. On se comprend en un seul regard, et il adore mimer mon père dans son dos, ce qui me fait toujours ricaner. Mon père me rattrape aussitôt bien évidemment, parce qu'un Satton se tient droit et doit toujours tiré une tête d'enterrement.

Malgré mon entourage familiale un peu glauque, hypocrite et faux à souhait, je ne peux pas dire que j'ai eu enfance difficile. Bien au contraire. A l'école j'étais toujours très entouré, parce que j'étais le clown de service. Bien que très souvent, je ne le faisais pas exprès, et mon humour cache une profonde maladresses. Jude, c'est le gamin aimé de tout le monde, des parents comme des camarades, et parfois j'me dis que les parents de mes camarades m’aimaient plus que mes propres parents. Alors je traînais souvent chez mes meilleurs amis après les cours, ça me permettait d'éviter les regards vicieux de mon père qui ne savait que me demander mon carnet de notes. Je vous laisse imaginer sa tête quand un soir, je suis rentré tout abimé avec une lettre du directeur qui soulignait mon mauvais comportement. Je m'étais battu avec un idiot de la classe supérieure, qui s'amusait sans cesse à se moquer d'une fille de ma classe, parce qu'elle avait les cheveux roux. C'était un crétin, elle est vraiment jolie en plus, Kristin. Elle a été ma première petite copine, celle que j'ai embrassée sur la bouche en toute première. D'ailleurs j'ai trouvé ça dégueulasse sur le coup.

Avec les filles, j'ai jamais été très doué, pas autant qu'avec les amis en fait. Mes potes, ils avaient toujours une nana sous le bras, et moi, j'étais le célibataire qu'on essayait de caser à tout prix avec la meilleure copine de truc muche. Je pense qu'hormis Kristin, on ne peu me compter que deux petites amies notables, dont l'une d'elle m'a planté parce que je n'étais pas assez entreprenant avec elle - mais à l'époque j'étais puceau ç_ç - et la deuxième, Emily, m'a lâché au bout de quelques mois parce qu'elle voulait juste trouver un mec pour se débarrasser de sa première fois. Elle a été ma plus grosse peine de cœur, elle était aussi ma première à moi fois après tout. Oué oué allez y rigolez pendant que vous le pouvez, je vous vois venir. Que je suis limite puceau et tout ce qui va avec, mais moi au moins, on ne peu pas dire que tout le quartier a élu domicile sous ma couette.

Côté éducation, j'ai toujours détester l'école, mais je n'ai pas vraiment eu le choix que de m'y mette, parce qu'un Satton se doit de faire de grandes études. Au lycée, je trouvait de quoi me motiver dans le football, capitaine de mon équipe, je voulais de bonnes notes pour montrer qu'on pouvait être sportif et intelligents. Puis accessoirement ça aide à la popularité c'est vrai. Mais ça j'oserais jamais l'avouer. Bref, mon diplôme en main, j'ai rejoint l'université afin de m'engager dans un cursus d'histoire. Je radote à mon père que j'aimerais devenir conservateur, ou historien, un truc de chercheurs qui demandera un doctorat, mais en vérité j'ignore totalement ce que je veux faire. De toute façon, mon avenir est tout tracé, un jour, je serais comme mon père. J'aurais un métier que mes enfants ne sauront pas déterminer, et j'me baladerais avec un pantalon de chasse, à la différence que moi, j'aurais l'air de Bert dans Mary Poppins, avec ce sourire débile aux lèvres.

L'année dernière, il faut que je vous avoues que j'ai appris un truc très dérangeant, mais... Je ne peux pas vous en parler. Je suis très perturbé depuis cette découverte, et pour ne rien arrangé, mon père m'a appris qu'il avait donné ma main (ça fait un peu gay dit comme ça) à une fille de leur bourgeoisie, de la famille Lively. Je ne l'ai jamais vu cette fille, Columbia je crois, mais j'ai déjà croisé sa mère, je me souviens lui avoir serré la main lors d'une soirée coincée de ma mère. Elle n'avait pas arrêté de me fixer en affirmant que j'étais certainement un très bon parti. Ma mère n'avait alors pas arrêté de répliquer que malheureusement, j'étais incapable de trouver une bonne partie pour faire un bon mariage, alors mon père s'en est mêlé dans mon dos, pour satisfaire tout le monde. Ou surtout satisfaire ses affaires, parce que les Lively possède un héritage aussi gros que celui de mon père, et je suis persuadé qu'il espère le récupérer, tout comme Lively Mère espère surement vivre sur notre dos, enfin plutôt le mien. Je ne vais pas en faire toute une histoire, n'ayant jamais vu ma fiancée, mais je vous jure que si elle est moche, j'abandonne tout et je pars vivre en France, je me ferais sûrement embaucher à Disney Land Paris, le Clown, ça je sais faire.