pour la première fois, j'avais goûté à la vengeance; c'était comme un vin aromatisé; en l'avalant, il était chaud, sentait le terroir, mais laissait un arrière-goût métallique, corrosif, donnant la sensation d'un empoisonnement. (charlotte brontë)

avant-goût amer, désagréable illusion, poison du cœur. tu regardes ce minable plafond qui se situe au-dessus de toi. cette surface normalement lisse comporte quelques brisures, un peu comme ton âme syd. les draps secs, usées se frottent désagréablement à ton corps. t'as la respiration agacée, dérangée. tu supportes pas ce bras posé autour de ta hanche. ces ongles rongés qui touchent ta peau. ça t'énerve. t'as envie d'enfoncer profondément tes doigts dans cette chair blanchâtre et nauséeuse afin qu'elle ressente la douleur, puis vire ses pattes malsaines de ta personne. tu sens les vils cheveux de cette femme titiller ta nuque. tu supportes plus. tu balances énergiquement ta main pour chercher le paquet de clopes qui doit traîner sur le vieux guéridon. ça te soulagera, même si ce n'est qu'un peu. tu sors rapidement le briquet, allume la cigarette, puis t'attends que la paix te parvienne. t'inspires cette fumée qui comble ton être, mais le détruit en même temps. enfin de toute façon, t'en as rien à battre de ta vie. personne ne tient à elle, pas même toi dans le fond. tu t'en fous complètement. à quoi bon l'utilité de vivre une dizaine d'années de plus te servirait. à rien tout simplement. en ce début de matinée, le soleil se lève fainéant, tout comme ton corps alourdi par le manque de sommeil, vient éclairer ton visage et éblouir tes yeux verts aux allures reptiles. la fumée rentre dans tes poumons, t'éclaircit tes pensées toujours endormies. tu laisses tomber la cendre par terre. ça fait brûler le tapis. ça fait un trou dans la moquette de cette fille qui dort paisiblement. mais encore une fois, t'en as que faire. ses traits d'ange ne sont que de vilains mensonges. elle est tout le contraire, comme toutes ces autres nanas chez qui tu passes la nuit. puis parfois, tu te distrais à l'occasion. si tu reviens satisfait du boulot et que celles-ci ne sont pas trop chiantes, tu leur laisses ce privilège ; goûter à l'extase. bien que toi tu ressentes que du vent. ces filles bossent pour toi, se donnent à toi sans la moindre protestation. elles n'attisent aucunement ton désir et te font directement oublier ce qu'est d'éprouver du plaisir. c'est juste annihilé de ton esprit. en fait, t'es sûrement lassé syd de tout ça. dans le fond, même si jamais tu te l'avoueras, tu veux goûter à l'amour. l'amour véritable. pas le faux que t'as goûté pendant dix-huit ans. l'amour mensonger auquel tes parents biologiques t'ont drogué. t'en veux pas de lui. cet amour-là. mais t'es parfaitement au courant syd, que c'est également et sûrement l'unique amour qui alimente actuellement ta minable vie. celui qui te donne la force d'avancer dans ces voies sombres ; la force de te venger de ce qu'ils t'ont fait. les pourritures. mais cette vie, aussi minable soit-elle, tu l'apprécies syd. tu vis avec elle depuis plusieurs années et tu vois à quel point tu te l'es approprié facilement. elle devenue comme une meilleure amie dans le fond : elle sait tout de toi, tu la vois tous les jours, puis tu peux parfois rigoler avec elle. te moquer aussi, t'adore ça. c'est elle aussi qui t'as appris chaque jour comment jouer ton parfait petit rôle syd. tu la remercieras jamais assez pour ça. sérieux élève le matin, déchu de la société à la nuit tombée. l'addition parfaite pour une vengeance qui mijote d'année en année et qui dévorera au moment tant attendu, les concernés : tes parents contrefaits. ils t'ont montré pendant seize années, la pure jouissance du bonheur, des parents aimants et au soin avec leur fils adopté. mais quelle galéjade à tes yeux quand t'appris la vérité. cette sordide vérité syd. syd-peter mcarthur ; digne hérité d'une riche famille irlandaise dont les parents biologiques sont décédés dans un malheureux accident de voiture, alors que leur jeune garçon unique n'avait que deux ans. belle et immense fortune dont le jeune homme pourrait hériter à sa majorité. mais quelle agréable surprise au lendemain de l'anniversaire de tes dix-huit ans syd. à peine avais-tu possédé cet argent, que quelques minutes plus tard, les escrocs qui te servaient de parents s'enfuirent avec ton putain de fric pour aller s'offrir une vie meilleure, ailleurs. loin de toi. te laissant seul. dans la merde. à la rue. comme un pauvre con. un naïf de première qui s'était laissé berner par des affabulations pendant toute son enfance. une haine qui a eu le temps de mijoter pendant toutes ces années. ces années où tu traînais dans le bas-fond. un esclave de ta propre naïveté. un esclave de l'amour qu'on t'avait accordé avec des sourires faussés. habitude, qui revient sans cesse aujourd'hui se coller à ton visage syd. et alors que t'étais censé être en haut de l'échelle, dominant tous les rats avec lesquels t'avaient vécus, tu te trouvais au même niveau qu'eux. l'affreux. trahison pure. et une haine ineffaçable. sûrement éternelle. infinie. mais comme on dit, la haine ne vient jamais seule. et tu l'avais parfaitement compris syd. la haine vint sonner à ta porte, habillée de son manteau de vengeance qu'elle te prêta avec jouissance et qui, de toute évidence, alla parfaitement au teint du gosse de riche que t'es syd. tu caressais avec doux sadisme, l'épaisse fourrure que portait ce manteau. puis, elle arriva comme une fleur, la vengeance. germa dans ton esprit, avec élégance noire, sordide ; tu ferais subir le même supplice qu'à ta mère et ton père syd. tu les feras s'agenouiller comme des animaux. s'excuseront pour avoir été les bâtards qu'ils étaient. et tandis que l'histoire s'achèvera comme pour un conte de fin pour toi syd, eux vivront dans la saleté que t'as du supporter pendant toutes ces années. ces années, où tu n'étais plus rien. mais grâce à eux t'as retenu une leçon syd. comme quoi ils n'étaient pas si inutiles que ça, ces deux enfoirés : l'espèce humaine est composée de monstres et celle-ci se comble de mensonges et fourberies afin de pouvoir vivre correctement au sein de cette communauté hypocrite ; espèce humaine à laquelle aujourd'hui, tu te fonds parfaitement. étudiant sportif le jour, populaire au sein de ta faculté, adulé de toutes les filles et invité à toutes les soirées de la fac. salopard la nuit, riche héritier à l'argent souillé, briseur de cœur, à la haine éternelle, en quête de vengeance.